Gaston COUTÉ né à
Beaugency en 1880. Mort à Paris en ...
Léo Ferré gueule
quelque part "la lumière ne se fait que sur les tombes".
Même pas !
Le grand silence prolonge l'ignorance de la plupart des
contemporains et il reste quelque phrase vague, l'étiquette que -
dans le meilleur des cas - on colle avant de passer à autre chose.
La formule réductrice. La formule formol. Le poète maudit. Le réfractaire.
Couté la Révolte. Une révolte sur laquelle soit dit en passant
personne n'a mis la main.
Le
trajet importe bien sûr. Meung sur Loire, l'enfance et
l'adolescence beauceronnes puis Paris et plus précisément
Montmartre. Montmartre, ses poètes, Ses chansonniers, sa bohème du
début du Siècle... Une époque. Une Société. Ses marginaux.
Gaston Couté vient de la
terre. Avec cet univers de moulins morts, de foin qui presse,
d'enfants qui "tiots matineux" prennent le droit chemin de
l'école. Pour l'exprimer, le français le cas échéant et surtout
ce véhicule méprisé des mots entendus, lorsque sa mère
"fredonnait à mi voix une simple et vieille berceuse en
patois".
Jehan Rictus, Bruant
n'en finissent pas de se chicaner à propos d'argot, de langue
populaire, de celle des gueux de Richepin.
La préoccupation est dans l'air.
Gaston Couté, lui, débarque
avec son patois. Le "gâs" a déjà "mal tourné".
Une époque glisse sur une sensibilité ou la mord profondément.
Lui crie avec ses mots.
Son terroir il ne le folklorise pas. Il ne botrelisera pas avant
l'heure !
Regard dur, sans concession, il dit sa terre. Il dit les gens. L'âpreté
du rapport des gens à leur terre. De leur rapports entre eux. Son
parti, les humbles, les petits, les écrasés. Gaston Couté ne
donne dans aucun panneau. Il y a des auges dans la sale pâtée
desquelles il ne mettra jamais son nez.
Le
Christ en croix aperçu du chemin a tout en bois. Sur le lit de foin
des prairies les conscrits font aux femmes des petits qui perpétueront
la race des brutes et des conscrits après avoir acquis à l'école
la jugeote droite des bons citoyens.
Tout cela Couté le
dit, le crie, l'écrit.
La dernière année de sa vie, il collabore régulièrement à la
Guerre Sociale dans laquelle il publie sa chanson de la semaine. Il
a 31 ans.
Nous sommes en 1911. Il meurt.
Sa Sainte Vierge à lui veille.
Il n'avait cessé de la chanter.
"Notre Dame des Sillons dont les anges sont des grillons, O
Terre, je reviens vers toi ".
Depuis plusieurs années
déjà, un comédien : Bernard Meulien et un musicien : Gérard
Pierron tentent de percer le mur du silence qui emprisonne l'œuvre
de Gaston Couté. Avec conviction et passion. Mais surtout avec
amour.
Avec désintéressement aussi. Celui dont il faut faire preuve pour
monter au mépris des impératifs de la mode - dans l'isolement et
l'indifférence générale . un spectacle extrait de " La
chanson d'un gâs qu'a mal tourné" et le promener pendant des
mois en ville aussi bien qu'à la campagne... Désintéressement
encore quand il s'agit de combler une lacune en s'associant à l'édition
des œuvres complètes de Gaston Couté...
Ce disque n'est donc ni un point de départ ni un aboutissement mais
plutôt une étape de cette entreprise de réhabilitation de Gaston
Couté.
Bernard Meulien
habite les poèmes de Couté comme seul le permet une longue intimité
avec un auteur.
Il n'est pas seulement complice : il est Couté lui-même.
Gérard Pierron, pour sa part, a su inventer des musiques qui
portent comme un courant le verbe de Gaston Couté. Paul André Maby
et Eddy Schaff, les deux musiciens qui l'accompagnent ont retrouvé
cette couleur propres aux musiques de rue qui sied parfaitement à
l'œuvre de ce poète populaire.
La sobriété et la simplicité caractérisent l'interprétation de
Bernard Meulien et Gérard Pierron. Mais aussi la force et la
ferveur. Hantés par Couté, ils le restituent avec sensibilité,
chaleur et émotion dans toute sa verdeur et sa vérité. Dans toute
sa lucidité et son universalité.
Précieux témoignage d'une époque révolue que d'aucuns vécurent
" Belle" mais dont beaucoup . même si la postérité tend
à l'oublier . portèrent le fardeau comme on porte une croix.
C'était hier
pense-t-on quand c'est aussi d'aujourd'hui qu'il s'agit.