Sur la route avec Couté (été 1899)

Sur la route avec Couté et Lucas

Chaque année durant l'été, les cabarets parisiens ferment et Gaston Couté éprouve parfois le besoin d'interrompre la vie de bohème qui l'épuise. Alors, il retourne à Meung pour prendre un peu de repos au milieu des siens. Il a loué une petite maison dans un hameau proche du Moulin de Clan afin d'y recevoir plus librement ses amis. A chacun de ces séjours, sa famille, sa mère surtout, s'inquiète de sa mine fatiguée et de son aspect négligé.

Je suis parti ce matin même
Encor saoul de la nuit mais pris
Comme d'écœurement suprême,
Crachant mes adieux à Paris...
Et me voilà, ma bonne femme,
Oui, fichu comme quatre sous...
Mon linge est sale aussi mon âme...
Me voilà chez nous !
"Jour de Lessive"

Au cours de l'été 1899, Maurice Lucas, qui se morfond à Paris, rejoint Gaston Couté à Meung-sur-Loire. Celui-ci, sous le prétexte d'aller chercher des photos, persuade son ami de l'accompagner chez Rémi Dinant "Peintre et Photographe" à Châteauroux.
- La chose étant entendue, nos imaginations de courir et le projet saugrenu de hanter notre cervelle. Le chemin de fer, car il faut songer au transport, c'est vieux jeu, ça va trop vite, on ne voit rien en route, puis il y a les accidents possibles. Il nous faut quelque chose d'un peu mieux. je ne sais pas monter à bicyclette et je n'en ai pas sous la main ; d'ailleurs mes doigts d'auteur ne m'ont pas encore permis d'acheter une "Auto".
Oui, mais nous avons à nous deux, deux robustes paires de jambes. (...) La marche au long des grands chemins dans la liberté pleine, voilà qui est du nanan.

 

Et Gaston de renchérir :
"C'est ça, mon vieux, nous irons à pattes en chemineux. (...) Mais, il y a toujours un mais en toute chose, (...) il faut manger en route. Je dirai plus, il faut coucher quelque part et je ne me sens pas la vocation de coucher à la belle étoile. Auberge humide s'il en fut.
Nos ressources sont médiocres, disons qu'elles n'existent pas.
"Nous donnerons des soirées. "

Ils vont ainsi parcourir à pied plus de 250 km, de Meung-sur-Loire à Gargilesse, en passant par Beaugency, Blois, Romorantin, Vierzon, Bourges, lssoudin et Châteauroux ! A chaque étape, Couté déclame ses textes pendant que Lucas exécute, sur le vif, des pastels qui sont vendus avec les chansons du poète au cours d'une tombola.


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Saint Ay

Saint-Ay

L' accueil à Saint Ay fut  chaleureux, mais ce  n'était pas le fait du seul hasard. Gaston Couté comptait dans le pays un fervent admirateur, Gustave Séjourné. Celui-ci devint maire de Saint Ay. et, peu porté sur les musiques et les flonflons militaires, il demanda au poète beauceron une marseillaise de sa façon,." Ce fut La Paysanne (marseillaise fraternelle des gars de Saint Ay). Elle fut créée et inaugurée à Saint Ay le 14 juillet 1908.

LA PAYSANNE
(dédiée aux gâs de Saint Ay)

Paysans dont la simple histoire
Chante en nos cœurs et nos cerveaux
L'exquise douceur de la Loire
Et la bonté des vins nouveaux (bis)
Allons-nous esclaves placides,
Dans les sillons où le sang luit
Rester à piétiner au bruit
De chants guerriers et fratricides?

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Meung-sur-Loire

Meung-sur-Loire

Après le succès obtenu à Saint Ay les deux amis rentrent à Meung sur Loire, font leurs adieux à la famille Couté et à Camus-la-Bébête, chez qui ils étaient hébergés,  et s'en vont par les grands chemins.

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Beaugency

Beaugency

Première étape. Il pleut. Ils arrivent trempés, "enfondus" comme dit Couté. C'est jour de marché. Le soir ils donnent leur seconde représentation devant six spectateurs! Mais le cachet de Saint Ay leur permet de coucher à l'hôtel.

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Tavers

Tavers

On y récoltait à l'époque un certain petit rosé que Bouscarat, le logeur montmartrois de Couté, faisait venir sur son conseil, par barriques entières

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Blois

Blois

Il semble que leur aspect délabré, leur mépris des contingences sociales et des pouvoirs officiels, leur valent quelques démêlés avec la maréchaussée.

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Cour-Cheverny

Cour Cheverny

L'accueil n'est pas plus empressé si nous en croyons le sonnet de Couté témoin de cette étape :
Notre air ne semble pas inspirer confiance.
Nous faudra-t-il, ce soir, dormir au coin des meules ?
Hélas ! tout est possible avec nos sales gueules...
Et d'ailleurs on leur refuse le logis. Ils dormiront dans la paille. 

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Romorantin

Romorantin

La salle de l'auberge est pleine; une assistance sympathique accueille avec frénésie les poèmes de Couté, et les pastels instantanés de Lucas donnent un résultat financier qui incite les troubadours modernes à poursuivre.

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Mennetou-sur-Cher

Mennetou-sur-Cher

La salle  est toujours aussi comble et le public aussi chaleureux !
Le succès ! 

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Vierzon

Vierzon

Aïe ! C'est l'indifférence totale !

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Mehun sur Yèvre

Mehun-sur-Yèvre

Les poètes font scandale. C'est jour de marché et ils n'ont pu; obtenir l'autorisation de donner une soirée. Couté est pris à partie. Cela provoque des ripostes virulentes et des apostrophes vengeresses de nos bohêmes. La gendarmerie est alertée et la soirée se serait terminée dans la chambre de sûreté si le fils de Georges Ohnet se trouvant providentiellement dans l'assistance ne fût intervenu, prenant nos chemineux montmartrois sous sa protection et les abritant sous son toit.

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Bourges

Bourges

Ils passent sans s'arrêter ; ils ont été signalés à la police.

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St Florent sur Cher

Saint Florent

Là aussi ils ont été signalés à la police. On craint, comme ailleurs, qu'ils effraient les populations paisibles. par leur oubli du beau langage. Ajoutons aussi que leur apparence n'est pas de nature à leur valoir l'indulgence des gendarmes. Si bien qu'à peine installés, Pandore intervient. Emmenés à la gendarmerie, les "deux amis subissent un interrogatoire d'identité, lequel dira Lucas, menaçait de s'éterniser jusqu'au Jugement dernier si, par une diversion opportune, Gaston Couté n'avait eu l'idée de réciter ses œuvres à la maréchaussée. Il sut sans doute choisir des pièces de son répertoire susceptibles de ne pas déplaire à cette assistance particulière et réussit à la convaincre que sous une apparence de chemineux subversifs se dissimulaient de bons poètes. Le miracle s'accomplit, les gendarmes rirent, on dit même qu'ils allèrent en hâte chercher leurs épouses et amis voisins et que ce fut un triomphe. Relâchés, ils se dirigent sur Issoudun.

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Issoudun

Issoudun

Là, le cafetier Margis qui les connaît les accueille à bras ouverts. Six jours durant, les pèlerins de Gargilesse connaissent la douceur d'un gîte plus accueillant et les fumées de l'enthousiasme dans l'euphorie d'une gloire qui chaque soir grandit.

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Déols

Deols

On prétend que c'est en septembre 1899, à Châteauroux, que Couté créa Les Conscrits. Cela lui valut quelques ennuis : alors qu'il disait ce texte à Déols, il fut interpellé par des revanchards et les coups de bec faillirent provoquer un pugilat.

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Châteauroux

Chateauroux

Ils sont accueillis par Rémy Dinant le photographe, aussi appelé "mon Oncle" ou l'oncle Montosol. Dinant les installe confortablement et alerte les membres du Pierrot Noir les plus voisins. Le Pierrot Noir était un cabaret animé par des chansonniers amateurs sous la houlette de Maurice Dauray. Fondé en 1896, le cabaret était situé au premier étage du café de la Promenade et recevait régulièrement des chansonniers montmartrois. Durant trois semaines Couté et Lucas intercalent leurs chansons parmi celles des poètes locaux. Dinant lui-même y va de quelques textes. C'est le succès. Toute la ville veut entendre les deux chansonniers montmartrois. On dit même qu'ils réussirent à économiser quelques sous. Couté étonna encore ses amis en préférant, certains soirs, coucher dans les copeaux du menuisier chansonnier Larty plutôt que dans un bon lit. C'est peut-être là qu'il trouva le thème de la chanson La casseuse de sabots.

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Argenton

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Couté et Lucas feront étape à Argenton. En effet, pour répondre à une invitation de ses amis, le dessinateur Gabriel Lion et le peintre Jamet, Couté, toujours accompagné de Lucas, ira à Gargilesse.

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Gargilesse

Cout>ét Lucas

Maurice Lucas, à la mort de Couté, donnera encore quelques souvenirs à La Guerre Sociale :
" Voici Gargilesse, cher à George Sand, où nous arrivons trempés, "enfondus", comme tu disais, chez nos amis Jamet, et si couverts de boue et les cheveux si longs que les paysans demandaient " qui que c'est qu' ces mondes-là ". Ce à quoi répondait Gabriel Lion (encore un mort!) avec désinvolture. et au grand scandale de tous : "c'est des amis !" Mon pauvre cher Couté, je t'ai vu revenant d'autres voyages pédestres, de l'Yonne, par exemple, par un temps de froid tel que les corbeaux tombaient morts sur la route ! Ah ! ton arrivée à la maison, à dix heures du soir, je m'en souviendrai longtemps ! Mais quelles bonnes soirées pendant les quelques mois qui suivirent, quand tu te révélais conteur et caricaturiste. Conteur et caricaturiste, eh oui ! Spirituel et mordant ! On dira de toi que tu avais la dent cruelle. Non, tes expressions étaient brutales parfois, mais, je puis le dire en toute sincérité, il n'est pas un de ceux qui se sont considérés comme tes ennemis, dont je t'aie entendu dire "du mal", ce que l'on appelle du mal. Tu n'as jamais essayé de nuire à quelqu'un, personne n'essaya-t-il de te nuire ? Tu avais un pauvre grand cœur de pitié ! Va ! Combatif et violent ? Oui, et tu en avais le droit, ayant assez souffert.

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