"L'Itinéraire
Gaston Couté non-stop"
Journal de route
L'IGC non-stop, je le rappelle, est une variante un peu réduite de l'Itinéraire Gaston Couté (310 km au lieu de 360, car nous esquivons les grandes villes), et contrairement à lui non pérenne (le tracé est souvent différent), à l'intention de quelques Provençaux et Savoyards souhaitant saluer la mémoire de Couté sans pouvoir en faire les étapes échelonnées de juin à septembre. François Robin, organisateur de l'IGC officiel (tous les week-ends de l'été), vous a raconté les deux premières journées où nous avons marché ensemble. Je vais tâcher de vous donner de nos nouvelles en fonction de la batterie du petit appareil sur lequel je vous écris, dont le rôle principal est de nous guider par les chemins ! En ce départ de grande marche nous avons une pensée fraternelle pour les ami-e-s que leur santé a finalement empêchés de nous accompagner, et aussi pour les marcheurs de la première étape, avec qui nous avons noué des liens en deux journées d'amitié, de poèmes et de chansons... S'ils ne sont plus avec nous, Couté et Lucas nous accompagnent par la pensée, et surtout l'oeuvre du premier : "J'sommes trois chemineux qu'ont chacun eun' gueule / Plus chaude et plus sèche qu'le chaume des éteules..." !
Jour 2, dimanche 26 juin Après le pique-nique sous les ormes de l'école à Gaston, à Meung-sur-Loire, les trois marcheurs de l'IGC non-stop (François-Xavier, Gaëtan, Anne) se sont échappés du peloton sans attendre la fin des festivités car il nous restait près de 20 km pour arriver à l'étape ! Ce qui fut fait sans trop de mal vers les 20 h, malgré la chaleur, grâce une petite mousse bénie à Beaugency et aux fruits des haies rencontrés sur le chemin. Paisible descente le long des Mauves puis de la Loire, quelques promeneurs et cyclistes en ce dimanche après-midi d'été ; nous dépassons la centrale de Saint-Laurent en lui faisant les gros yeux pour pas qu'elle pète juste cette nuit (un seul réacteur en fonction) et plantons nos tentes en lisière du bois du Verdelet, face au Cavereau. |
Jour 3, lundi 27 juin Ce
matin nous traversons la Loire à Muides, éblouissante dans la lumière
d'été, puis coupons à travers les champs de blé, maïs et tournesol
en direction de Maslives. Adieu les vastes paysages, nous voici en
Sologne à l'ombre des grands bois... Longue sieste sous les arbres. Au
réveil, il reste 12 km de notre point de sieste jusqu'à Mont-près-Chambord
où nous dormirons, rien que de la forêt, tranquille donc — n'était
le thermomètre qui va monter à 38°. Nous voici en vue du petit hôtel
de campagne où nous avons réservé : Nous
reprenons donc la route. Et là, premier bug dans notre impeccable
organisation : j'avais pourtant téléphoné au château de Chambord
pour savoir si la route de Boulogne, dans le parc, était ouverte aux
marcheurs ; pas de problème, qu'y disèrent. Mais arrivés au départ
du chemin, macache ! Fermé par arrêté municipal depuis 1974, haut
portail et clôture barbelée ! Pareil pour le chemin suivant, le 3e, le
4e... Nous nous éloignons de plus en plus de notre azimut. Zut.
Le soir approche et nous avons nos 25 km dans les pattes... Toute honte
bue, nous appelons François-Xavier qui conduit la voiture-balai et il
nous amène à l'étape, une petite auberge, le seul luxe de cette
marche (pas d'autre hébergement à l'horizon et il faut bien se doucher
un jour sur deux par cette canicule). Nous buvons une pression et deux
bouteilles de Badoit : c'est la première fois de ma vie que j'ai vu,
dans la chaleur moite de la forêt, mes mains et mes bras ruisseler de
sueur. Quel métier ! Ah,
la bonne auberge "où nous pouvons, dans la blancheur des draps de
serge / Dormir du bon sommeil qui délasse et détrempe" ! Nous y
mangeons fort bien, le vin du crû est des plus sympathiques, et
l'accueil très gentil. |
Plus
que jamais, en ce jour anniversaire de sa mort, Couté nous est proche.
A l'hôpital Lariboisière, quelqu'un aura-t-il accompagné ce gars
solitaire dans ses derniers moments ? Il n'a voulu déranger personne et
aucun de ses amis n'était là. Dans le discours sur sa tombe de Gustave
Séjourné, maire de Saint-Ay, que nous a lu son successeur dimanche, Séjourné
fait allusion à une lettre que lui a envoyée Gaston la semaine précédente,
dans laquelle il lui dit sa ferme intention de "se battre".
Couté se savait donc gravement menacé, et n'acceptait pas la fatalité... Direction
Cour-Cheverny où nous retrouvons la route de Couté et Lucas,
provisoirement abandonnée pour éviter Blois. Bien sûr le sonnet de
Gaston "Cour-Cheverny" — écrit à l'occasion de leur
passage dans ce gros bourg — est dans nos mémoires, les deux
chemineux y ont été fort mal accueillis malgré le sale temps, mais
nous, nous ne coucherons pas ici ; tout de même, lorsque j'ai écrit au
château de Cheverny (dont celui de Moulinsart est une copie réduite)
pour avoir l'autorisation de traverser le parc plutôt que la ville, ils
"m'ont envoyé (courtoisement) m'faire fout'". Repas et sieste
dans le bois de la Rousselière, mais voici que tombent les premières
gouttes ! Nous
n'en avons cure et traversons la D765 (de Blois à Vierzon) pour
emprunter jusqu'à Romorantin l'ancienne voie ferrée depuis longtemps désaffectée,
itinéraire ombragé et très agréable pour autant qu'il soit
accessible... et non clôturé. C'est cette voie ferrée que Couté et
Lucas auraient utilisée s'ils avaient eu quatre sous, mais comme l'écrit
Lucas, les trains c'est pas confortable, et pis ça déraille ! Tandis
que je conduis la voiture à l'étape, Gaëtan et François-Xavier
doivent parlementer avec un propiéter' qui défend... la propriété
(ouverte) de son voisin. Nous plantons nos tentes dans le bois de la
Grefferie, le temps menace et à la dernière bouchée, l'orage éclate
et la pluie tombe... Qu'on est bien, au sec sous les toiles. Alerte
aux tiques ! Chez nous on appelle ça des langastes, mais elles ont
aussi bon appétit. Nous nous épouillons mutuellement, en bons grands
singes, et nous enduisons d'essence de lavande ; on verra demain pour
plus méchant. |
Ce matin le ciel est clair et l'air léger. Nous poursuivons sur la voie
ferrée, un moment coursés par un gars qui veut nous faire rebrousser
chemin mais n'insiste pas. Aujourd'hui c'est en théorie la partie la
plus pénible de notre randonnée car, nous le savons, en plusieurs
points la voie ferrée est clôturée, et il nous faudra marcher sur la
grand route, sans arbres et à fort trafic. On se console en pensant que
là, nous marchons vraiment dans les traces de Couté et de Lucas, qui
l'empruntèrent alors qu'elle n'était pas asphaltée et qu'y roulaient
plus de charrettes que de tomobiles ! A notre étonnement et notre
gratitude, nombreux sont les camions qui nous croisent bien au large et
en levant le pied, quand la plupart des voitures nous frôlent à toute
allure. Nous remercions les routiers sympas d'un "salut à nous démancher
l'bras" ! Et puis l'air est vif et la campagne est belle, à
Mur-de-Sologne nous prenons le café et le Canard
Enchaîné, et les mauvais moments passent vite. Troisième
interpellation sur la voie ferrée, une jeune femme qui finalement nous
laisse passer bien volontiers. A la Goinfrerie (je n'invente rien, c'est
le nom du hameau) nous passons les 100 km ! Nous arrosons ça dans un
bistrot de Romorantin. La jeune serveuse veut tout savoir de notre
voyage ; nous lui racontons Gaston Couté : ce soir elle ira voir le
site du Christian, promis ! Romorantin est bruyant et plein d'autos, mais nous traversons la Sauldre
pour arriver sur une île où se trouve l'église, puis empruntons des
passerelles, un joli parc tranquille :
et
débouchons enfin sur l'Ethic Etape où nous passerons la nuit.
L'accueil y est fort sympathique, nourriture et chambres très
convenables pour un prix franchement modique, et si les jeunes hôtes
sont parfois un peu bruyants, nous nous disons qu'"il faut bien,
bon Guieu ! qu'jeunesse se passe !". |
Il
fait presque frisquet ce matin en quittant Romorantin, mais le soleil brille. Quelques kilomètres pour sortir de
la ville, et puis franchie l'autoroute, notre itinéraire suit le GR 41
qui flirte avec le Cher. Finie la Sologne des grandes chasses, il y a
toujours des bois mais plus d'agriculture ; c'est joli tout plein, et
d'un calme ! Adieu les tiques, voici les puces et nous nous grattons frénétiquement,
chacun pour soi. A la sieste, en guise de café, nous lisons le passage
de Maurice Lucas du jour. Que n'ai-je son talent pour vous narrer nos
aventures ! Mais quoué, j'sommes plus qu'une centaine sur la liste Couté
à c't'heure : j'prends la parole ! Longtemps nous marchons en direction de la vallée du Cher sans la voir, quand soudain elle s'ouvre brusquement sous nos pieds : un raidillon de 40 m de dénivelé nous conduit à Mennetou-sur-Cher, jolie bourgade médiévale où Couté et Lucas reçurent un excellent accueil. Je m'y sens aussi chez moi car les ânes y sont à l'honneur : Il
est signé : "Anne pour Gaston", et daté de 1998, quasi le
centenaire du passage de Couté : est-il le dédicataire, et
serait-ce là la salle Fauberge où se produisirent les deux amis ? Une
soeur Anne lui aurait-elle dédié ce tableau en hommage ? J'y ai pensé
trop tard pour le demander, et laisse à nos successeurs sur l'IGC
le soin d'élucider la question. Nous poursuivons jusqu'à Châtres-sur-Cher où nous allons faire étape,
en suivant le canal du Berry ; le long de la route, "des p'tits
chalets près de l'eau ou des bois qui s'appellent Villa des Roses ou
des Parvenches", que Couté et Lucas auraient bien pu voir
construire... Le camping municipal, sur la rive du Cher, est bien
sympathique et presque pour nous tous seuls en cette veille de juillet.
Le soir, nous soupons à l'auberge de la Tour, au pied du rempart
peuplé de pigeons, corneilles et hirondelles ; la patronne, que nous
interrogeons sur les nombreuses maisons à vendre dans le village, nous
dit combien la région est sinistrée depuis la fermeture des
usines de Vierzon et Romorantin. Par ailleurs la route bruyante qui
traverse le bourg doit être bien pesante aux riverains... Ah, ces
"tomobiles" ! |
François-Xavier interroge la charcutière de Châtres-sur-Cher sur
l'andouillette à la ficelle que vantent les murs de la ville. Elle nous
explique comment on la fabrique à la main avec les tripes et boyaux
entiers ; il faut la couper transversalement pour la distinguer des
contrefaçons. Et ce disant, elle s'exécute et nous offre
l'andouillette pour l'apéro. On le boira à sa santé, c'est sûr ! Je
vais conduire la voiture à l'étape de midi, sur une boucle du Cher près
du Péry, puis pars à vélo rejoindre les gars en suivant le GR
41 qui traverse d'immenses champs de blé aux lourds épis mûrs.
Enfants nous en éguernillions pour en faire des chewing-gums au goût
de froment, mais aujourd'hui les traces de tracteur dans les blés
attestant l'épandage de pesticides, herbicides et autres salopericides
m'en dissuadent. Mon VTC grimpe assez gaillardement la petite côte
menant à Méry-sur-Cher (ah, ces dérailleurs qui vous font la
moitié du travail...), me re-voici sur le plateau entaillé de vallons
ombreux. Je surprends tour à tour deux chevreuils à l'orée des bois,
le premier ne me calcule même pas, quant au second nous nous
contemplons de longues minutes avant qu'il ne s'éloigne en quelques
bonds. Les gars qui arrivent à ce moment-là prennent ma silhouette
immobile pour un épouvantail. Lorsque
nous arrivons sur les bords du Cher, le beau champ de blé mûr de ce
matin est occupé par les moissonneuses, qui doivent avoir forte pogne
car elles en abattent, de la besogne ! Le petit coin paradisiaque dans
la boucle du Cher où nous déjeunons et faisons la sieste est
longé par un chemin ce matin solitaire, maintenant sillonné d'engins
bruyants qui soulèvent de la poussière ; mais quand nous partons vers
16 h, l'immense champ est quasi entièrement moissonné ! Jolie arrivée sur Vierzon par une "coulée verte" chère au Doc le long de l'Yèvre. L'auberge de jeunesse Jean Monnet date des années 60-70, elle est sonore et l'étage est une étuve, mais elle est sympathique et l'accueil chaleureux. Vite une petite mousse dans le vieux centre, puis nous allons voir l'étonnant monument aux morts pacifiste signé... Karcher, achevé en 1933 ; oeuvre néoclassique émouvante et belle, commanditée par la mairie communiste de cette ville ouvrière (elle l'est encore aujourd'hui après un bref intermède UMP) : |
Prépare-toi mentalement, camarade, t'as payé pour en chier,
aujourd'hui tu en auras pour ton argent ! La journée s'annonce rude :
sur la carte comme sur la photo aérienne la Chaussée de César
traverse une campagne nue, sans un arbre, et pas un nuage à
l'horizon.
De
plus il nous faut mettre la turbo, si nous voulons arriver assez tôt à
l'étape (Preuilly, à 22 km) , pour planter les tentes au camping, se
doucher, puis filer à Beaugency retrouver l'IGC ouikènes et
assister au spectacle Couté de Jacques Lambour ! Il
nous faut une bonne heure pour quitter les faubourgs de Vierzon et nous
retrouver dans la campagne. Rase campagne, mais combien belle avec ses
champs à perte de vue où pointent à l'horizon antennes, éoliennes et
lignes électriques. Personne ou presque sur la route, il souffle
un petit vent d'est frais qui rend finalement la marche bien agréable,
et nous voici à l'heure du déjeuner à Mehun-sur-Yèvre, où Couté
mit le ouaï parce qu'on ne leur donna pas l'autorisation de donner une
soirée. Nous sursautons un peu au premier type qui passe avec des jambières
d'acier, mais voici une femme en longue robe et hénin de soie, un
moinillon en coule, un manant et un Robin des bois.... C'est la fête médiévale
à Mehun, et après avoir visité l'église romane et gothique (intéressant
chemin de croix XXe siècle) nous arrivons au château où
mourut Charles VII, dans la cour duquel des Guillaume Tell
s'exercent au tir à l'arc. Plus loin des tablées accueillent les
convives pour des rôtisseries arrosées à l'hypocras, tandis que les
petits métiers s'exercent sous nos yeux : ferronnerie, taillanderie,
vannerie, jouets...
Tout
cela dans une ambiance particulièrement calme et détendue, pas un seul
haut-parleur, bravo ! Mais
il est temps de repartir, pas de sieste aujourd'hui et le temps frais
aidant, nous voici vers 16 h au camping de Preuilly, vaste et bien
ombragé. Nous montons les tentes, nous rendons présentable pour le
spectacle du soir et pendant tout ce temps le havre de paix est
transformé en une arène de poussière et de bruit par la grâce d'un
seul ado qui fait hurler le moteur de sa moto en lisière du camping. Je
m'apprête à aller parlementer quand on me fait remarquer qu'il évolue
sur un terrain de cross spécialement aménagé à côté du
camping : merci, Môssieu le Maire ! Nous
filons à Beaugency où un beau spectacle nous attend au théâtre de la
rue du Puits-Manu. La salle est pleine, Jacques Lambour nous offre une
de ces soirées dont il a le secret, dense, vivante, poignante, au cours
de laquelle les textes majeurs de Couté alternent avec d'autres moins
connus (Jacques renouvelle constamment son répertoire), magnifiquement
soutenus et accompagnés à la guitare par Jean-Paul Albert dont les
rythmes et les thèmes sud-libyens fraternisent à merveille avec les poèmes
de Couté. Nous rentrons à Preuilly en écoutant avec bonheur
"Akakus", son dernier cd tout frais pressé. |
Ce matin en sortant des tentes, il fait à peine 9°. Marie-Jo et
Daniel, les Savoyards, nous rejoignent au camping et nous prenons la
route. Elle est hélas bien encombrée d'autos à cause de la brocante
qui se tient à Sainte-Thorette. Puis nous empruntons des chemins, tantôt
dans les bois tantôt dans les champs ; ventrée de prunes des haies
dans la descente qui nous mène à Villeneuve-sur-Cher, joli village aux
vieilles maisons basses. Un type sympa sur le pas de sa porte nous
propose de l'eau fraîche, mais nous arrivons à notre étape de midi
sur les bords du Cher que nous franchissons ici pour la dernière fois :
de fait, en préparant l'itinéraire, je me suis conformée au GR 41
sans m'aviser qu'il ne poussait pas jusqu'à Saint-Florent-du-Cher, où
Couté et Lucas furent interpelés par les gendarmes et ne durent leur
élargissement qu'au culot de Gaston qui les fit rire en leur déclamant
"Un bon métier". Nous poursuivons donc notre route en
direction de Plou, sous un soleil féroce malgré le vent qui forcit. Le
gîte intercommunal de Plou est pour ainsi dire neuf, grand et
confortable, nous y sommes seuls ; un lave-linge bienvenu donne une
nouvelle jeunesse à nos vêtements fatigués. Notre hôtesse nous dit
que jusque dans les années 70 la forêt dominait ici, et que de
gigantesques défrichements ont transformé le paysage en champs de blé
à perte de vue. Ici aussi la moisson bat son plein et les engins
travailleront jusqu'à la nuit. |
Immenses terres emblavées où subsistent de maigres parcelles boisées.
Le soleil tape déjà fort et nous sommes bien contents d'approcher de
la vallée de l'Arnon, petit cours d'eau somnolent noyé dans la
verdure. Nous traversons Charost à l'étrange église de briques et de
pierre blanche, puis suivons très longtemps une ancienne voie ferrée
bordée des deux côtés d'arbres et de buissons qui entretiennent un
semblant de fraîcheur. Mais tout a une fin et il nous faut maintenant
suivre le Chemin de la Paroisse, limite de communes entre des champs de
blé sans fin. Il est onze heure et le soleil plombe. Nous faisons une
halte à l'ombre d'un arbre et un agriculteur sur son énorme engin
quitte, compatissant, le chemin pour ne pas nous en chasser. Nous
avons maintenant l'habitude des chevreuils que nous approchons parfois
de très près quand nous sommes sous leur vent. Nous avons vu aussi un
couple de lièvres et une famille de perdreaux. Quant aux oiseaux...
Rapaces, hérons, merles, pinsons, alouettes, geais, et même le rare
loriot. Gaëtan
et Daniel qui ont amené les voitures au Boissereau, notre étape de
midi, discutent longuement avec un grand-père de 83 ans qui a bourlingué
jusqu'en Papouasie et dénonce les méfaits des évangélisateurs américains
qui apportent aux populations intouchées la bible et le
coca-cola. Ils refusent héroïquement une bière fraîche car nous ne
sommes pas là et repartent à notre rencontre, mais hélas quand nous
repassons l'aimable vieillard a disparu. Ce
soir nous aurions bien aimé être hébergés à l'ancienne abbaye de la
Prée, sise au bord de l'Arnon. Elle est tenue par les Petits Frères
des Pauvres qui y reçoivent des pauvres, mais pas des pauvres
chemineux... Nous planterons nos tentes au bord de la rivière non loin
de là, dans un pré immense et fort bucolique. Mais comme nous avons du
temps et le gosier à sec, nous décidons d'aller boire une petite
mousse à Saint-Florent. Au bistrot un type nous branche mais nous
n'avons pas le temps de lui offrir un verre que le patron l'a fichu
dehors en lui reprochant de taper les vieux... C'est de nous qu'il cause
? Nous cherchons ensuite la gendarmerie, hélas, impossible de trouver
l'ancienne, la nouvelle est moche et fermée et j'en fais un cliché
rapide sans prendre le temps de chanter "Hécatombe" aux
pandores qui semblent avoir déserté. |
Rapide tour à l'abbaye de la Prée, beau bâtiment classique avec sa
maison de maître, ses dépendances et son moulin sur l'Arnon. Paix et
silence. Mais la route nous attend, une jolie petite route qui suit
l'Arnon vers le sud, puis le quitte pour longer vers l'ouest une forêt
immense, bois de Châtain puis forêts domaniales de Choeurs et de
Bommiers. De chaque côté de la route, d'immenses champs de blé sont
assiégés par les moissonneuses qui travaillent sans relâche, puisque
cette nuit près de nos tentes, de 1 à 2 h du matin un engin a bottelé
la paille du champ moissonné quelques heures auparavant. Cela nous
rappelle que ces cultures intensives et industrielles sont le fait
d'opulents propriétaires terriens (la famille de Monaco est ainsi la
première propriétaire de la Beauce), et que les " bûcheux en
grippe aux dents des machines", ici, sont les nouveaux serfs du
capital en milieu rural. Des fermes sont abandonnées :
les autres ne
servent plus que de garage à engins : le corps d'habitation est fermé,
et il n'y a plus ni bétail, ni basse-cour, ni chien, ni femmes, ni
enfants, seulement la voiture du fermier qui habite le village
voisin ou plus souvent la ville. Nous avons l'impression de naviguer
dans un océan de blé et de tournesols superbes, mais par endroits
notre chemin a été bouffé par "les mangeux d'terre"... "V'là
les corniauds !" Lancé une fois par plaisanterie, ce cri est
devenu notre signal chaque fois que nous apercevons les chauffeurs qui,
ayant déposé les voitures à l'étape de midi ou du soir, viennent à
notre rencontre, l'un-e à pied, l'autre à vélo. Et c'est à chaque
fois une bouffée de bonheur de les voir surgir à l'horizon ou au détour
du chemin, comme s'ils avaient disparu depuis des lunes... Cette fois
ils nous attendent à l'orée de la forêt et nous faisons avec délices
une pause dans l'herbe fraîche. Le layon qui nous conduit à l'étape
de midi est bordé de grands charmes dont les branches s'entrecroisent
au-dessus de nous comme une ogive gothique. Nous trouvons quelques
bolets hélas bien entamés, Gaëtan effile les meilleurs morceaux et
les met à sécher pour agrémenter quelque sauce. Chouette, les gars
ont trouvé pour notre déjeuner une grande table de pique-nique et nous
mangeons confortablement. Nous
repartons sieste faite. Le soleil plombe et se débrouille, le bougre,
à se trouver dans l'axe exact de notre route forestière, ce qui rend
l'ombre rare. Mais déjà nous quittons la forêt aux Minimes, hameau au
bord de la Thonaise qui s'enorgueillit des ruines superbes d'un vaste château
entouré d'un repart, de tours et de douves ; dommage, il ne se visite
pas. Petite route paisible dans la douce lumière de fin d'après-midi,
Bommiers, enfin Ambrault où nous allons boire au Sésame, sympathique
bistrot anti-sarkoziste (les graffiti à l'intérieur en font foi) ;
l'auberge du coin étant fermée, Sandrine la patronne du Sésame nous réserve
un repas au Chat Noir (!) à Maron, le village voisin, où l'on nous régale
d'abondance pour... moins de 10 €. Nous retournons à la nuit tombante
planter nos tentes dans la forêt d'Ambrault, le temps a tourné et
quatre gouttes de pluie bercent notre premier sommeil. |
7 h du matin, un engin passe dans l'allée principale du bois un peu à
l'écart de laquelle nous avons planté nos tentes. Nous décampons sans
traîner, peu soucieux de parlementer avec les autorités forestières,
le camping étant interdit dans les forêts domaniales (ce n'est écrit
nulle part, mais nul n'est censé...). Nous serions bien allés petit-déjeuner
cher Sandrine, qui hier soir a récupéré un de nos sacs oublié sur la
place, mais son café est fermé le mercredi et nous filons à Saint-Août,
le seul bistrot ouvert à la ronde, où de surcroît Gaëtan peut
acheter son Canard Enchaîné.
Tandis que les gars prennent la route ("Vous suivez Sassierges
?" demande Gaëtan, incorrigible courtisan de la Comtesse),
Marie-Jo et moi roulons jusqu'à Ardentes faire les courses pour deux
jours car ensuite il n'y aura plus d'épicerie jusqu'à
Argenton-sur-Creuse. Puis nous conduisons les voitures au Breuil, grand
domaine sur les bords de l'Indre que nous croisons pour la première
fois. Tandis que Marie-Jo prend le vélo pour rejoindre les gars, je
fais la même route à pied, et prends grand plaisir à cette solitude où
l'on va heureux et tous les sens aux aguets : "Corentin,
l'âme légère, De
fait, ça me gratte entre les omoplates et c'est surement les ailes qui
me poussent, car les parasites des jours précédents ont capitulé, dégoûtés
sans doute par trois jours de marche sans douche ! Le temps s'assombrit
et quand nous retrouvons les gars, un peu au nord d'Ardentes, la pluie
commence à tomber. Nous nous arrêtons un moment à l'église
Saint-Martin, sise sur la rive gauche de l'Indre, petit édifice roman
aux portails joliment sculptés qui abrite un grand tableau du saint en
pied (derrière lui, minuscule, on le voit partager son manteau avec le
pauvre), et dont la demi-coupole du choeur a conservé les traces d'une
fresque où l'on distingue le taureau de l'évangéliste Luc. Nous
remontons le cours de l'Indre, il pleut et arrivés aux voitures nous
les plaçons cul à cul pour pique-niquer à l'abri de leurs hayons. Seuls
Gaëtan et moi reprenons ensuite la route, le temps est toujours menaçant
mais il ne pleut plus. Nous voici au coeur du Berry bocager, celui de
George Sand dont je relis ces jours-ci La
Mare au Diable et François le
Champi, romans sociaux et champêtres un peu nunuches mais bien
jolis et bourrés de descriptions des moeurs berrichonnes
traditionnelles. Forêts, haies, prés, troupeaux de vaches, larges
chemins creux, cette campagne d'avant les remembrements est si belle !
François-Xavier est aller visiter en voiture l'étang à sec du
bois de Chanteloube à Mers-sur-Indre, identifié avec la mare au Diable
de Sand ("Y a rien à boire") ; il nous rejoint à vélo,
crève et répare aussitôt. Nous arrivons à Jeu-les-Bois, minuscule
village perché sur une petite butte, avec un château moderne qui
semble occuper le site d'un établissement plus ancien, une autre maison
de maître à proximité, une église romane fermée et quelques
lotissements. Marie-Jo, qui nous a quittés un instant pour téléphoner
à sa mère bien âgée, se fait interpeler avec hargne par une
automobiliste : "Je vous défends de téléphoner ici ! Ça me dérange
!". Elle est bien dérangée, en effet, car elle fait demi-tour sur
la route et menace de l'écraser... Enquête faite, personne ne la connaît
dans le village. Le
gîte d'étape, qui semble tout neuf malgré ses 22 ans, est
sympathique. Nous y rencontrons Norbert, de l'IGN, qui fait dans
le Cher mises à jour et vérifications ; tout en dégustant la
brouillade à la tomate où fondent les champignons de Gaëtan, nous
discutons cartes, logiciels modernes et arpentage antique. Nous lui
parlons aussi de Couté, bien sûr : Daniel lui dit "L'odeur du
fumier", et moi, IGN oblige, "Les bornes". |
Notre marche va bientôt finir et décidément, je crois que c'est ce
pays, ce Berry bocager, qui me tient le plus au coeur avec ses bosquets,
ses haies, ses champs et ses étangs. Nous sommes frappés par la
largeur des chemins que nous suivons, en général une dizaine de mètres,
entre deux haies d'arbrisseaux, prunelliers, et quelques arbres.
S'agit-il d'élargissements récents à l'occasion de remembrements ? Il
ne le semble pas, car le cadastre (auquel j'accède sur ma petite
machine !) les montre larges, et puis les arbres centenaires qui
les encadrent attestent leur ancienneté. Peut-être avons-nous affaire,
dans ce pays où l'élevage ovin était jadis florissant, à ce que nous
appelons en Provence des drailles, larges chemins pour les ovins bordés
de haies ou de murettes, afin d'éviter les débordements intempestifs
de bêtes dans les champs. De fait, nous voyons maintenant des
troupeaux, de vaches surtout mais aussi de moutons, si rares depuis le début
de notre marche. Midi, le temps reste menaçant et nous décidons d'abréger la sieste. Deux jeunes cavalières passent au trot, riant du plaisir de la course. Marie-Jo et moi amenons les voitures à la Tuilerie, grosse ferme sur les bords de la Bouzanne, petit affluent de la Creuse. Tandis que Marie-Jo grimpe à vélo la côte vers Yvernaud, je remonte à pied cette vallée verdoyante et fraîche dont les méandres abritent châteaux et belles vieilles fermes. Mais,
sauf une moissonneuse de loin en loin, cette campagne semble vide
d'habitants. Nous
avons évité Issoudun et Châteauroux, deux villes où Couté et Lucas
reçurent le meilleur accueil, pour ne pas prolonger trop longtemps
notre périple et parce que l'ombre est fort rare dans ces plaines écrasées
de soleil. Daniel nous lit donc le récit de Lucas, et nous sommes
heureux pour nos gars enfin reconnus et choyés dans ces deux villes. Dernière
nuit sous la tente, ce soir pluie et vent. Demain soir, nous
serons à Gargilesse... |
La pluie a cessé et le soleil levant caresse une délicate fleur rose
poussée dans les cailloux au milieu de la Bouzanne, là où hier soir
nageaient des canetons : François-Xavier qui guettait l'instant
la prend en photo. Le camp démonté, il part en voiture rejoindre
Marie-Jo et Daniel qui ont dormi à Argenton, tandis que Gaëtan et moi
cheminons le long de la rivière, de moulins en châteaux. Un sentier
ombragé nous conduit sur le plateau qui domine Argenton, il n'y a
personne sur les petites routes bordées de champs. Nous faisons
halte, quand un promeneur retraité nous rejoint, puis un couple du même
âge retenant avec peine un énorme bouvier bernois débordant de
tendresse qui lèche méthodiquement le bas de mon pantalon. Ils nous
prennent pour des pèlerins de Compostelle, nous les détrompons et
leur parlons de Gaston Couté. Nous taillons une longue bavette, écoutons
les nouvelles du jour qui finissent en une diatribe sur la jeunesse qui
ne respecte plus rien ("ils" ont caillassé un train à
Marseille, "ils" viennent au collège d'Argenton avec des
barres de fer...). Comment expliquer en peu de mots que ces incivilités,
effectives et que subissent de braves gens qui n'y sont pour rien, sont
la résultante de décennies de mépris, d'injustice et de ghetto, et
que la délinquance en col blanc fait de façon bien moins voyante
beaucoup plus de mal ? Argenton-sur-Creuse
où nous retrouvons les copains est bruyant, encombré, enfumé, écrasé
par une énorme vierge dorée qui brandit un bras vengeur sur la ville
— symbole de la reconquête des campagnes par l'Eglise catholique
triomphante après les révolutions populaires du XIXe siècle
; mais la ville reste pour Gaëtan et moi auréolée de la rencontre que
nous y fîmes il y a 10 ans, le 1er avril 2001, de François, Jacques
(L.), Christian, Alain (AMAM), Jacky, le P'tit Crème... sans oublier
Vania qui faisait la voiture-balai sur la route menant d'Argenton à
Gargilesse, première ébauche de l'Itineraire Gaston Couté ! Il s'y
tient ce week-end le Festival des Boussoles, rencontre ("catho mais
sympa") du Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne sur le thème de
la mobilité. Y parlera-t-on de la désertion des campagnes, si
cruellement visible sur les terres que nous venons de traverser ? Après Argenton la trépidante, et un bref détour pour admirer le petit château de Courbas tout fier dans ses douves, c'est un plaisir de cheminer puis déjeuner sur une ancienne voie ferrée bien ombragée, décidément la providence des marcheurs lorsqu'elle n'est pas clôturée. Daniel, qui médite une soupe aux orties pour ce soir, nous apprend à en cueillir les sommités du bout des doigts, sans respirer. Au Menoux, petit village d'apparence anodine, nous hésitons à suivre le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle — sur lequel nous marchons depuis quelque temps — lorsqu'il contourne l'église ; nous le faisons finalement et bien nous en prend, car nous passons devant la maison de Carrasco, un artiste disparu en 2006, dont la clôture est faite d'objets en fer et outils agraires hétéroclites soudés en hallucinants personnages d'épopées fantastiques, et le jardin peuplé d'êtres étranges également en métal.
Nous
parlons un moment avec l'épouse de l'artiste qui nous dit le bonheur de
vivre ici, puis fait venir son mari, François Meyer, qui nous fait
visiter son atelier, caverne d'Ali Baba bourrée de merveilles et de
surprises... Sa bonne grosse chienne ("Elle s'appelle Clara, c'est
la première chienne de France !") ne le quitte pas d'une semelle.
Nous repartons tout rêveurs et revigorés. Une petite route remonte la Creuse jusqu'au barrage de Roche Bat l'Aygue, puis un rude sentier (le premier depuis 300 km !) grimpe sur le plateau de Châtillon pour redescendre aussitôt à la rivière. Ah, qui dira les délices du fond de la Creuse ! Verdure, rochers, chants d'oiseaux, pêcheurs sur les rives ou dans de petits bateaux, tout n'est que paix et doux bruissements. Mais voici le Pont Noir, où Couté et Lucas passèrent la première soirée avec leurs hôtes et amis Jamet le peintre et Lion le dessinateur, voici les rochers émergeant de la rivière où Gaston, à force de faire le pitre, finit par prendre un bain de pieds ! La petite route remonte entre forêts et prairies le cours de la Gargilesse, affluent de la Creuse, vers le village du même nom ; l'endroit est bucolique en diable, je vous renvoie à la littérature (George Sand, qui habita la petite villa Algira, Maurice Lucas, notre cher chroniqueur, et sûrement bien d'autres), mais nous filons vers le bout du village, vers le bistrot où nous attendent la p'tite mousse et... Vania, notre cher Vania Adriensens venu accueillir les cinq marcheurs de l'Itinéraire Gaston Couté non-stop au terme de leur parcours. Il installe son orgue de Barbarie sur la place du château et ensemble nous poussons la goualante, "Les mangeux d'terre" bien sûr, "Le champ d'naviots", puis "Les escaliers de la Butte", "Il n'aurait fallu", "Trois petites notes de musique"... Un
couple de vieux amants et un peintre se joignent à nous, Daniel fait
valser les dames. Puis Vania se sauve, il a des vieux copains chez lui
ce soir mais a quand même pris le temps de venir nous retrouver. Je ne
sais pas ce qu'est "l'esprit Couté" dont Vania parle quelque
fois, mais je sais bien ce qu'est "l'esprit Vania", cette
disponibilité, cette gentillesse, ce partage généreux avec tous de la
chanson et du spectacle de rue. Merci, Vania ! Le
gîte communal, encore une fois bien agencé et sympathique, est installé
dans l'aile ouest du château. Nous y trouvons deux sympathiques pèlerines
de Compostelle, Mira d'origine polonaise que trahit à peine une pointe
d'accent, et Mireille, 68 ans chacune et c'est à ne pas croire tant la
jeunesse brille dans leurs yeux. Elles partagent avec plaisir notre
soupe aux orties mais certainement pas la suite de notre robuste repas
(nouilles aux foies de volaille, fromages, tartes aux cerises, arrosé
d'un Cabernet d'Anjou), car elles sont végétaliennes, mais nous font
goûter des tas de petits mets préparés et séchés par elles.
Pas de coquille sur leur sac ni de bâton dans leur main : leur pèlerinage,
nous expliquent-elles, n'est pas religieux mais spirituel, elles
refusent toute étiquette et me reprennent gentiment quand je dis que le
nôtre est laïque : c'est un pèlerinage, point, et je finis par
reconnaître qu'elles ont raison, car le peregrinus
antique n'est rien d'autre qu'un étranger, un errant. Nous parlons
encore longtemps de nos expériences de marche respectives, et arrivons
même à leur faire boire une larme de Vouvray : car ce soit nous fêtons
Marie-Jo, qui a subi en fin d'année dernière une opération assez
lourde, et qui vient de marcher avec énergie et courage ses 140 km ! |
Nos
pèlerines se sont mises en route très tôt en préparant la table de
notre petit déjeuner et en nous laissant un mot gentil. Ce matin
l'IGC week-ends est parti vers Blois pour sa 3e étape, tandis que nous
remisons au fond des voitures sacs à dos et chaussures de marche. Nous
nous promenons dans un Gargilesse endormi où les touristes sont rares
et nombre de commerces fermés. Longue contemplation du "castel
Jamet", l'aile orientale du château médiéval où furent hébergés
un mois durant nos compagnons virtuels de voyage, Gaston Couté et
Maurice Lucas. "La place du château, deux tourelles, une grille,
un coin délicieux, en face, voici le castel Jamet", écrit Lucas ;
nous sommes émus, rien n'a changé :
Détour
obligé, la maison de George Sand. Puis nous visitons longuement
l'extraordinaire église romane à la nef tronquée, aux chapiteaux
historiés délicatement ouvragés, au gisant raplapla dont on nous dit
qu'il est saint Greluchon, symbole de virilité triomphante, mais honnêtement,
cela n'apparaît point ! La coupole du clocher est curieusement évidée
en fleuron, une belle fresque d'un Christ en majesté orne la voûte,
mais la crypte est fermée et nous ne verrons les autres superbes
oeuvres médiévales que sur le livret acheté en guise de
consolation. Et
c'est l'heure des adieux, un peu émus bien sûr mais que nous n'éternisons
pas car d'autres balades nous réunirons bientôt, c'est promis...! On
se quitte, Marie-Jo et Daniel repartent pour la Savoie, François-Xavier,
Gaëtan et moi pour la Provence et le Queyras. Après le pique-nique,
nous bifurquons vers Saint-Etienne, faisons halte sur une quelconque
aire d'autoroute, prenons un café. Quelqu'un derrière moi me prend par
l'épaule, je me retourne, je n'en crois pas mes yeux : c'est Daniel, et
voilà Marie-Jo qui se pointe ! Nous sommes abasourdis, ravis de ces
retrouvailles si précoces et inopinées, mais faut-il nous en étonner
? Entre eux et nous, depuis des années, de petites étoiles se clignent
de l'oeil et font ainsi se croiser et se recroiser nos chemins. Cette
fois, ça serait une blague de Gaston que ça m'étonnerait à peine... |