LA CAUSETTE

Le jour meurt au ras des guérets
Et son parfum dernier embaume.
La belle Lison prend le frais
Au seuil de la maison de chaume ;
Pierre, un gâs qu'elle a remarqué
Parmi ceux qui s'approchent d'elle,
Revient des champs, bien fatigué :
“ Holà ! " dit la belle.

Holà ! Monsieur Pierre, bonsoir !
vous rentrez des champs de bonne heure ;
venez donc un brin vous asseoir
Sur mon banc, devant ma demeure.
- Ma foi ! ça n'est pas de refus;
Je suis si las, mademoiselle,
Que mes pieds ne me portent plus !
- Ah ! Ah ! dit la belle.

Mais, faisons la causette un peu ;
Connaissez-vous quelque nouvelle ?
- Rien du tout, du tout, hormis que
vous êtes toujours la plus belle !
Les raisins sont-ils bien rosés ?
- Oui !... mais moins doux, Mademoiselle,
Que doivent être vos baisers !
- Chut ! Chut ! dit la belle.

Car le monde, à cette heure-ci,
Du fin fond des labours remonte ;
S'il entendait parler ainsi
Il jaserait sur notre compte.
Lors, dit en soupirant le gâs,
Comment faire, Mademoiselle,
Pour que les gens n'entendent pas ?
- Rentrons !... dit la belle.

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