LA DEBAUCHEUSE

On ne voit plus sa rouge cotte.
Oùsqu'est la garce, encore un coup ?
Dedans un chaumier qui gigotte
Avec un galant à son cou !
C'est comme ça, depuis l'aurore :
Elle a pris et veut prendre encore
Tous les beaux tâcherons d'août.

Ah saprée garce, saprée garce !...
La moisson qu'est encore éparse !

Sûr qu'il a passé moins de gerbes
Depuis l'aurore, entre ses bras
Et contre ses tétons superbes,
Qu'il a passé, passé de gâs !
Elle fait sa moisson de mâles :
Sur son corps s'entassent les râles
Mais le blé ne s'entasse pas !

Ah saprée garce, saprée garce !...
La moisson qu'est encore éparse !

Après son étreinte endiablée,
Les moissonneurs s'en vont, fourbus
Et saouls comme au soir d'assemblée
Du trop de baisers qu'ils ont bus ;
Et les gaillards à forte pogne
S'en retournent à la besogne,
Mais c'est pour se coucher dessus !

Ah saprée garce, saprée garce !...
La moisson qu'est encore éparse !

Maintenant la coiffe en détresse,
Elle revient parmi les gens
Chercher un bailleur de caresses
Mais, le ciel se brouille, aux couchants,
Et malfaisante ! Et furibonde !
Comme son amour sur le monde,
La grêle tombe sur les champs...

Ah saprée garce, saprée garce !...
La moisson qu'est encore éparse !...

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