LE TESTAMENT D'UN SALE PIERROT
 
J'ai vingt ans et j'peux en viv' cent.
Ne plantez pas d'saule au cim'tiére :
Ça pourrait faire tomber l'tonnerre
Su' la tombe oùsque j'roupill'rai !

Quand vous m'verrez prés d'tourner d'l'oeil
Montez vitement à ma piaule,
Laissez vot' curé sur le seuil
Et tâchez seul'ment d'êt' drôles
Pour qu'on rigole encore un brin :
Au lieu d'vous rapp'ler vos prières
Entonnez un' chanson dernière
Que j'essaierai-de r'prendre au r'frain.

Tout autour de mon pieu, gueulez !
Dansez la gigue avec vos belles !
Fait's du chahut pour que l'pip'let
De ma crevaison se rappelle :
Et, si jamais vous dégottez
Quelque peu d'galett', s'il en reste
Dans les doublur's de mes vieill's vestes,
Allez-les boire à ma santé !

Et toi, cher', garde tes deux sous !
C'est entendu : tu m'aim's, je t'aime !...
Mais des symbol's, moi, je m'en fous !
Garde tes deux sous d'chrysanthème,
T'as cor beaux nichons et beaux yeux,
D'amour tu n'es pas encor lasse,
Va, choisis, pour qu'il me remplace
C'lui d'mes amis qui t'plaira l'mieux !

 Et toi qu'elle aura remarqué,
Que tu sois Jean, que tu sois Jacques,
Ne fais pas de ce vieux chiqué
Aussi vieux que les oeufs de Pâques :
- “ Non !... c'est trop frais !... Attends quéqu's jours... ”
Quand tu m'verras raid'su' ma couche,
Dis-lui, tout en prenant sa bouche, "
Ton amant est mort !... Viv' l'Amour ! ...

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