LES MOULINS MORTS

On vient d'arrêter le moulin
Qui chanta, chanta, tout le jour,
Son refrain tout blanc, tout câlin
En faisant son œuvre d'amour...
Et je suis là, ce soir, mon Dieu !
Gisant quelque part, au milieu
Du moulin où plus rien ne bruit...
Avec mon cœur pareil à lui !...

L'odeur du buis, le son du glas,
Un temps de neige, un soir d'ivresse
M'attristent moins que la tristesse
Des moulins qui ne tournent pas !...

Les meules ont l'air d'écraser
Du silence sous leur torpeur...
Et le blutoir ankylosé
Crible de la nuit sur mon cœur,
Mon cœur déjà si plein de nuit
Et que le silence poursuit
Toujours, toujours, depuis le jour
Où finit mon dernier amour...

L'eau coule, pleurant de langueur,
Sous la vanne aux bords vermoulus,
Comme l'inutile douleur
D'un cœur aimant qui n'aime plus...
Et ce cœur-là, mon cœur à moi,
Sentant sa peine avec effroi
En la douleur morne de l'eau,
Vient à crever d'un gros sanglot...

Holà ! clair meunier de l'Espoir
Qui remets en marche, le jour,
Le moulin qui s'arrête au soir
Comme un pauvre cœur sans amour !...
Holà ! déjà l'aube éclaircit
Le moulin... et mon cœur aussi !
Holà ! holà ! meunier qui dors,
Ressuscite les moulins morts !...


L'odeur du buis, le son du glas,
Un temps de neige, un soir d'ivresse
M'attristent moins que la tristesse
Des moulins qui ne tournent pas !...

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Bluter : Faire passer la farine à travers un tamis pour la séparer du son