PREFECTURE DE POLICE
DIRECTION GENERALE DES RECHERCHES

Paris le 5 octobre 1901

RAPPORT

Le Commissaire de Police, Chef de la 3ème Brigade,
à Monsieur le Directeur Général des Recherches.

L'anarchiste Couté, Gaston, âgé de 20 ans, né à Beaugency (Loiret) qui a fait l'objet de plusieurs rapports de mon service, le dernier d'enquête en date du 20 novembre 1900 alors qu'il demeurait dans ses meubles, impasse du Tertre, (15, rue des Norvins) , loge en garni depuis le 29 septembre écoulé, boulevard Rochechouart, 100, où il est inscrit comme suit :
Couté, Gaston, 21 ans , chansonnier, né à Beaugency (Loiret) venant de Meung-sur-Loire.

Il a déménagé de l'impasse du Tertre en avril 1901 pour aller à la campagne, puis il est revenu le 29 septembre dernier.
Depuis son retour à Paris il ne s'est pas fait remarquer au point de vue de l'anarchie et n'a encore reçu personne à son domicile,
rue Germain Pilon, 19 bis, où il est inscrit comme suit :
Couté, Gaston, 21 ans , chansonnier, né à Beaugency (Loiret) venant du N° 82 de la rue Lemarck, entré le 14 février, sorti le 6 avril 1900.
Vérification faite rue Lemarck, 22, il n'y a pas demeuré.

Poète chansonnier, il fréquente les cabarets du quartier latin et de Montmartre. Actuellement, il chante presque tous les soirs au cabaret de "l'Ane Rouge", 30, avenue Tudaine.
Dans la journée, il travaille chez lui à composer ses chansons en compagnie de son ami TAVEAU, Antonin.
Il rentre généralement vers deux heures ½ du matin.
Couté gagne de 10 à 12 francs par jour. Ses parents, meuniers à Meung-sur-Loire (Loiret), lui envoie de l'argent presque tous les mois et il ne fait pas de dettes.
L'été dernier, il est allé passer environ trois semaines chez eux, avec son ami Taveau.
Il ne reçoit personne chez lui et en donne asile à aucun individu.
Il fréquente les chansonniers de Montmartre et du quartier latin.
Il ne reçoit que des lettres qui lui sont envoyées par ses parents.
A l'exception du "Rire", aucun journal ne lui est envoyé à son adresse actuel.
Rue Germain Pilon, 19 bis, il recevait en outre du "Rire" divers journaux amusants et un journal d'Orléans, dans lequel il y avait un jour sa biographie.
La concierge ignore s'il se sert de la poste restante.
Elle ne sait pas s'il fréquente des réunions politiques.
Ses chansons, d'après les dires de Mme Bigot, propriétaire du café de "l'Ane Rouge" et de M. Depaquis, chansonnier, demeurant 16, rue de Ravignan, sont empreintes d'esprit libertaire. Ces personnes croient qu'il a été collaborateur à des journaux révolutionnaires, mais elles ne pensent pas qu'il soit dangereux.
Couté qui a collaboré "au Journal du Peuple" et au "Libertaire", prête son concours dans les soirées familiales ou concerts organisés par les anarchistes.
En résumé, cet individu professe des opinions libertaires et fréquente les milieux anarchistes. Il ne paraît pas être dangereux.
Son nom est inconnu aux sommiers judiciaires.
Voici son signalement : 1m70 environ - cheveux châtains assez longs - imberbe - figure maigre - teint clair - nez un peu long - corpulence moyenne - Il est vêtu d'un veston noir et d'un pantalon de drap de fantaisie, étroit. - Il porte un chapeau de feutre mou noir.

Le Commissaire de Police

 

 Paris le 7 juin 1911

Gaston Couté, pitoyable chansonnier, se montre très satisfait des poursuites dont il est l'objet, cela lui fait une réclame énorme dans les cabarets et remplace un talent qui ne fut jamais très grand.

PREFECTURE DE POLICE
DIRECTION GENERALE DES RECHERCHES

Paris le 1er juillet 1911

RAPPORT

Le Commissaire de Police, Chef de la 3ème Brigade,
à Monsieur le Directeur Générale des Recherches.

J'ai l'honneur de faire connaître qu'il ne s'est produit aucun incident au cours de la surveillance exercée hier par des inspecteurs de ma Brigade à l'occasion des obsèques du chansonnier révolutionnaire COUTE Gaston, décédé à l'hôpital Lariboisière.
Le corps a été conduit à la gare d'Orléans-Austerlitz, où il est arrivé à 4 h 50, pour être dirigé sur Meung-sur-Loire (Loiret).
Environ 200 personnes, parmi lesquelles on a remarqué ALMEREYDA, Victor MERIC, DOLIE, VIVIER et ACHILLE, ont suivi le convoi, qui est parti de l'hôpital précité.

Le Commissaire de Police