En février mars 1978,
Michel Rebourg faisait paraître dans le quotidien "La République du
Centre" une série d'articles intitulée "Sur les traces de Gaston
Couté". En voici ici deux extraits.
Le premier relate sa visite à Meung-sur-Loire et sa rencontre avec les
"amis" de Gaston Couté et le second rapporte une soirée spectacle
avec Gérard Pierron.
AU PAYS BEAUCERON Tout dans ce village ce vieux bourg gros de."3.000 âmes et guère avec" transpercé par la nationale rapide numéro152, respire la fraîcheur et la simplicité d'une chanson sortie d'un cabaret vétuste. Teinte que l'on retrouve dans cette association des " Amis de Couté ", fondée en 1948 par R. Gauthier notamment il en fut le président jusqu'à sa mort en 1956 et dont nous avons rencontré l'actuel secrétaire, Gaston Coutant, également conservateur du musée. Elle se donne pour buts d'honorer la mémoire et de conserver le souvenir du poète. Partis de rien mais surtout accompagnés de sa gloire brumeuse et dédaignée, ses membres et amis de longue date devaient recomposer l'œuvre éparpillée, et jalousement gardée parfois.
A TRAVERS LE PAYS SOLOGNOT
Comme le faisait remarquer M. Meunier, parmi la cinquantaine de moulins dressant leur masure au début du XIXe siècle, neuf restent en activité aujourd'hui : bientôt ils seront comme ce vieilles batteuses lieuses que l'on sort à l'occasion d'un comice ou d'une fête campagnarde... des moulins morts. Dehors, posée à la façon d'une table d'orientation ou prête pour un menu en toute hospitalité, la meule faute de grosses pierres assemblées et serties par une bague de fer se laisse aller à l'érosion.
Jadis, "le rhabilleur burinait les stries" pour mieux écraser le grain. Tout un travail et toute une vie rurale disparus au profit de tuyaux, moteurs ou instruments les plus rutilants de technique.
Technique que nous allons retrouver avec agacement sur le parcours des Mauves "promenade favorite de Couté". A quelques centaines de mètres du moulin, cette petite rivière étale sa bonhomie ; son cours tranquille rejoint la Loire, après avoir traversé Meung. Mais pour atteindre ce coin de silence, il nous a fallu passer sous la masse bétonnée de l'autoroute Orléans Tours construite récemment, en pleine zone marécageuse (ce qui apporta aux entrepreneurs de nombreux déboires). Plus de tranquillité, pas même la possibilité d'entendre le calme ou le bruissement de l'eau, puisque l'autoroute, symbole du modernisme routier enveloppe le paysage de son enfer, autoroute qui doit faire se retourner Couté dans sa tombe.
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UN SOIR DE MELODIE Eddy Schaff a calé son accordéon (il est pianiste de formation) sur son ventre que les leçons de cuisine n'ont pas réussi à apaiser. Il s'accorde avec le guitariste Paul André Maby et Gérard l'auteur des partitions qui avoue ne pas y connaître grand chose (l'oreille, ah oui !). Il a reconnu parmi le public une personne qu'il dit voir pour la cinquième fois déjà, ce qui prouve la popularité et la justesse de notre trio, sympathique par sa bonhomie et l'air qu'ils insufflent au poète. Car il y a bien une sorte de hantise qui les anime (on le sent, on le voit quand ils reprennent les refrains en chœur), et c'est le fantôme de Couté qui revit ce soir-là. C'est son parler qui mange, écoule les mots comme le ver de terre mange la matière avec laquelle il se confond. Dès que les premières rimes résonnent, dès que lei premières notes des refrains s'égrènent, monte et s'installe une chaleur moelleuse, un goût de vieux vin. Et Bernard Meulien - acteur de la troupe de Maurice Maréchal, à Marseille - qui l'accompagne, quand sa disponibilité le lui permet, a su ajouter cette note épique dont parlait E. Heuze, illustrateur de Couté : une "silhouette d'épouvantail à moineaux". Tous ceux qui ont pu voir leur interprétation - et la multitude des lieux différents où ils se sont -produits en témoigne - reconnaissent cette espèce d'atmosphère de cabaret, mi-sombre, mi-lumineux ou l'artiste tente de faire entendre sa plainte. Un café-théâtre de campagne accueille le " gâs du pays ", le poète égaré qui a dans sa poche d'un pantalon rayé de grosse toile des papiers froissés, qui exaltent un arôme enivrant. Les lumières faiblissent, les sons se perdent dans leur refrain : mais avant que ne s'estompent totalement les effets du spectacle, quelques mots nous sont nécessaires pour dire combien paraît juste et riche le soutien de l'accordéon et de la guitare. Il suffit et ce n'est pas si facile de se recueillir sur la sonorité de ces instruments, de les détacher tour à tour des mots et des rimes pour en sentir l'odeur, le claquement d'une corde ou le ronron des basses qui se détachent de l'accordéon essoufflé.
Comment es-tu venu à lire, à interpréter Gaston Couté ?
Et cette envie de chanter, simplement mais aussi profondément, comment l'as-tu ressenti ?
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