DISCOGRAPHIE :
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... Nous poursuivons notre
ballade beauceronne, par un large détour dans le18ème arrondissement :
Couté y est présent, sous un autre visage, tout aussi prenant que celui
de Pierron. Les chemins de cette mélodie patoisante se rejoignent au
carrefour de toutes les régions, plaines ou villes monstres. Mais ne
tardons pas, les traces risquent de se perdre. UNE VIE SANS AUCUNE CONCESSION Petit, peu râblé, Vania nous accueille, un sourire perceptible dans le coin des lèvres qui cache une bouche babillarde, avide de raconter un espoir, Gaston Couté. Il vit à Paris - à côté de la Butte aux multiples escaliers - parmi tout un peuple d'artistes et de bohémiens qui vivent de ça : quelques notes grattées sur une guitare fétiche. Et comme de nombreux(ses) interprètes dont la vie se confond à la chanson (Monique Morelli, Cl. .Antonini ou Machon), Vania transporte dans toutes les régions sa silhouette dé peineux, une tête blonde ouverte aux grands champs, tel un moulin. . Gérard Pierron nous avait très peu délié - plutôt murmuré - son envie qui le rattachait à Couté, son spectacle en étant sa plus véritable expression. Vania la confie, à notre demande certes. Aucun besoin de l'interroger, il parle comme il respire, nous donne des appréciations - les siennes - sur le travail des interprètes qu'il connaît. Pas -besoin non plus d'une observation accrue : il se promène sur le même chemin que Coûté, trois quarts de siècle après lui. ... " Rendre Couté dans son actualité, sans aucune concession,. Sans en changer quoi que ce soit, cela reste difficile au niveau d'une diffusion plus large, on en enlève le contenu. Tout le côté libertaire, la prise de conscience ne passe absolument pas. Ainsi dans une des émissions d'"Aujourd'hui Madame" consacrée au monde paysan eu début du siècle, les producteurs ont passé le "Christ en bois" mais en coupant la fin. C'est un individu qui exprimait ce qu'il voyait, une espèce de journaliste de son époque affecté d'une richesse de langage et d'images intenses. "Couté crée un certain malaise, tout le monde en prend plein la gueule. Il est irrécupérable par rapport à la bourgeoisie : c'est une malhonnêteté de châtrer son œuvre ". En jugeant son propre travail, Vania précise: " Lorsqu'on travaille dans les foyers' de jeunes travailleurs, les lycées agricoles, il m'a paru nécessaire de faire une musique actuelle pour toucher plus. C'est un poète qui a besoin de peu d'artifice, son texte est amplement suffisant; il aurait très bien plus vivre actuellement. De sorte que les mélodies que je fais sont assez simples afin que les gens puissent les reprendre, afin de me marquer contre une certaine Kulture (avec un grand K) ". QUELQU'UN DE TRES SAIN Pêle-mêle s'amoncelant comme un tas de crêpes, les phrases contiennent toute la passion et la volonté d'une lutte à mort contre une hydre de Lerne dominante. Vania laisse parler en lui le Beauceron, les mots parfois glissent et entrouvrent les grottes du patois. Un patois un peu noyé à Paris certes, mais trop accroché et retenu dans les cabarets et les cafés-théâtres, toujours présents, toujours sombres de leur passé. " Couté ne donne pas la solution. Ce qu'il demande c'est que les gens soient moins " cons " (le mot est cru mais vivifiant) et qu'ils se réveillent, refusent un tas de choses. Il a un impact énorme vis-à-vis d'une jeunesse de 18 à 30 ans. Tout le travail que peuvent les interprètes en y apportant leur monde, leur vie, c'est de dire ce que Couté a écrit. Lorsqu'on a composé un spectacle de deux heures avec ses poèmes, le mieux c'est de le raconter et de le chanter. " Et d'ajouter sans aucune condescendance : "Je crois que c'était quelqu'un de très sain, cet homme -là. C'est le poète qui correspond le mieux à cet état anarchiste, libertaire ". Son disque sorti, il y a un peu plus d'un an, il le présente dans la droite ligne de ses idées : " Concrétisation de neuf ans de travail et de spectacles sur la "Chanson d'un gâs qu'a mal tourné", je l'ai réalisé uniquement avec quelques amis. De la première bande sonore au dernier collage de pochette et de la production à la distribution, sans trahir l'esprit de l'auteur ". D'où peut-être - comme nous l'ont souligné quelques personnes - un ensemble moins parfait, pas si solide qu'un bon produit commercial. Le spectacle qu'il présente comporte une partie consacrée à la femme " parce qu'il a dit beaucoup de choses sur la femme " et il enchaîne avec des poèmes où suit toute une critique aiguë. A propos du prochain disque, qui sera techniquement plus éprouvé, il précise : "II doit tenir compte des critiques qu'il va eues et il faut arriver à quelque chose de meilleur, en se battant à tous les niveaux ". UNE POESIE TELLEMENT RICHE ET ACTUELLE " J'ai d'abord fait du théâtre, puis je me suis mis au café-théâtre qui est devenu plutôt du caf'conc'. Maintenant cela va mieux, je vis de mes spectacles. Car les concessions faites par Couté pour ce qui est de la nourriture l'ont fait mourir à petit feu. Quand tu le chantes, il faut le voir comme un ami, très proche de lui ; il a un amour immense des gens, tout en les craignant. C'est un souffle que je fais ressortir avec l'accordéoniste qui m'accompagne. Il y a des choses que je n'aime pas chez lui, mais ce qui fait son individu, c'est la somme des ambiguïtés : il est tout le contraire d'un animal dressé ". Ce soupir de Vania paraît " en retrait " de tout le désir profond qui l'anime depuis que nous l'écoutons, mais c'est en même temps un regard sur une besogne ardue. Il se rattrape, à sa façon : " Quand on fait deux heures de Couté, tu es épuisé. Les gens en veulent, te rappellent. J'adresse des petits clins d'œils à l'actualité, ce que j'estime être le travail de quelqu'un qui vit dans ce monde ". Ayant tourné avec Bernard Meulien et connaissant également Pierron il nous a " parlé d'eux ", de ce qu'il pensait. " Je pense que Gérard et Bernard sont coupés, vivent plus dans leur monde. A mon avis, il faut rentrer dans le corps, le texte des personnages, les habiller ; les gens simples parlent et savent le patois de n'importe quelle région, tellement il est expressif, gestuel ". Sa dernière expression de foi, il la ressent, comme tout au long de ses rencontres avec le "public de province "... " Ce n'est pas à moi de parler de la terre, c'est aux paysans de la raconter, de la conter, comme Couté aime regarder, écouter ceux qui l'entourent, Quelqu'un planté comme une souche, de plein pied dans la terre. Lecteur, si tu veux respirer " le foin qui presse ", sache que Vania sera le samedi 1" avril à Saint-Calais, dans la Sarthe. Couté vaut plus qu'un détour... |