VRAI
ET FAUX PATOIS
Le glossaire
" Au temps de Jehan de Meung, il n'y avait pas encore de langue commune, mais le francien (ou français de l'Ile-de-France) tendait à prédominer, pour les raisons politiques que l'on sait. Chaque auteur se servait encore du dialecte de son terroir, qui était par conséquent une langue littéraire. C'est ainsi que Jehan de Meung écrivit en dialecte orléanais. Il s'excuse d'ailleurs, dans une traduction de Boëce, de ne savoir que son parler natal et de ne pouvoir user du langage plus élégant de Paris (c'est-à-dire de la Cour). (J. Soyer.Bulletin Soc. arch. et hist. de l'Orléanais, 1942.)
" Le langage de Couté a donc ses lettres de noblesse. La révélation du grand spécialiste qu'est M. Soyer n'a été si tardive qu'en raison du peu de différence entre le dialecte francien et le dialecte orléanais. Aux XV. et XVI" siècles, à la belle époque des Châteaux de la Loire, les rois de France et leur Cour n'avaient pas encore abandonné notre pays. Et se faisant l'écho d'une renommée courante, Hubert Fillay pouvait écrire en 1905 une chanson intitulée : "J'sommes d'un pays ousqu'on parle ben ". (Roger Gauthier. Notes manuscrites.)
" Les curieux pourront consulter avec profit le Glossaire du pays de Sologne (Hubert Fillay) qui indique dix ouvrages consultés, ou les glossaires orléanais restés manuscrits (celui de J.-M. Simon, celui de Lenormand, celui de Houzé)...mais ce sont là passe-temps d'érudits, chicanes de bibliophiles. Voulez-vous mon humble avis ? Le patois de Couté, c'était tout simplement " le patois d'cheux nous" . Il est vain de chercher à l'identifier exactement.
" Couté n'est pas un "classique" du patois. Il ne faut pas chercher chez lui un manuel de linguistique dialectale, une certitude mathématique ou scientifique. D'autant plus que cette certitude n'existe pas, ne peut exister. Il y a des différences très grandes de village à village et qui disparaissent sous le rabot niveleur du XXe siècle... (Roger Gauthier. Notes manuscrites. )
" La langue que parle Couté n'est pas du charabia, comme vous l'avez dit, c'est la langue que parle une race ; celle du paysan beauceron. Mais votre habituel talent de conteur voué a trompé, et vous avez malgré vous ravalé un chef- d'œuvre au rang des paysanneries comiques. J'ai éprouvé, en vous écoutant, un malaise (...) Il ne suffit pas, pour se donner un accent de terroir, de prononcer les "r" d'une certaine façon, qu'on n'a jamais entendue que dans les opérettes, et d'appuyer sur les "a", un peu à la manière des Français de l'Est. Non 1 c'est beaucoup plus compliqué. (Lettre de Hésus Grué'à Paul Reboux. Le Gargaillou, n° 100-101, septembre octobre 1938). (Article de Maurice Dauray, directeur, ami personnel de Gaston Couté, contenant la lettre de Hésus Grué à Paul Reboux, suivi d'une réponse de celui-ci, complété d'un admirable commentaire sur le caractère de la poésie de Gaston Couté.)
"Le genre de poésie en argot ou en patois a ses fabricants en série comme la poésie en langue classique. Il est facile d'élider des syllabes, de farcir ses vers d'expressions populaires. C'est même un truc qui réussit généralement, à Paris comme en province, dans les boîtes de Montmartre comme dans les journaux de sous-préfecture. Cela amuse les badauds, et de malins compères exploitent le filon. C'est tout l'art de Botrel. On écrit "J'avions", on prononce "fumelle", on prend une biaude, un chapieau, un biniou ou une cornemuse, selon les régions, on parle des vieilles coutumes, et le tour est joué. Poètes pour cartes postales ! " (Romain Guignard. Le Reflet, 1923.)